Face à la menace des fascistes et face à l'illusion social-démocrate, la classe ouvrière brésilienne ne pourra compter que sur ses luttes.
Ce 30 octobre, Luiz Inácio da Silva, dit Lula président de 2003 à 2010 et candidat du PT a remporté avec un peu plus de 50% des voix exprimées les élections présidentielles au Brésil au second tour face à l'actuel président et ancien capitaine de réserve Jair Bolsonaro, candidat de la grande bourgeoisie, de l'agrobusiness, du lobby et des milieux religieux les plus réactionnaires. Sous Bolsonaro, la misère a augmenté, les attaques contre les peuples indigènes se sont multipliées, la déforestation s'est amplifiée dramatiquement. La présidence de Bolsonaro a été aussi marquée par des politiques antiscientifiques pendant la Covid, contre le système de santé universel, laissant mourir des milliers de Brésiliens.
Cette "victoire" très serrée de Lula laisse craindre des troubles organisés par les alliés de Bolsonaro (comme au Vénézuela).
Elle s'inscrit aussi dans le renouveau de ce qui est appelé "le progressisme en Amérique latine et les Caraïbes" après la 1e vague au début des années 2000. S'il y a eu de grandes avancées sociales (accès à l'éducation, lutte contre la faim...), elles ont toutes été réalisées dans un cadre de collaboration/conciliation de classe, notamment envers les milieux bancaires, financiers dès le 1er mandat de Lula. Dilma qui lui a succédé a adopté de plus en plus de mesures antipopulaires et antiouvrières contre les salaires, en flexibilisant davantage le travail, pour soutenir le capital pendant la crise.
Toutes les expériences "progressistes" ont ainsi montré leurs limites de classe et pris fin au début ou au milieu de la décennie suivante, lors d'élections (Piñera au Chili, Macri en Argentine, Moreno en Équateur) ou de putsch militaires/policiers ou institutionnels (Temer au Brésil, Añez en Bolivie).
Si les interférences et les tentatives de déstabilisation de l'impérialisme américain avec le soutien de la bourgeoisie comprador sont indéniables, il convient de d'interroger sur la responsabilité de ces gouvernements "progressistes" aux politiques social-démocrates sur la (re)montée de la réaction, de l'autoritarisme, de la militarisation et de l'obscurantisme religieux. Et pour les Partis Communistes de faire le bilan de la tactique "progressiste" et des mouvements dits antineolibéraux (le néolibéralisme n'étant qu'une forme de gestion du capitalisme) sans élever la conscience de classe et sans la conquête du pouvoir par la classe ouvrière et le renversement du capitalisme, de ses relations d'exploitation et de ses institutions.
Il est important pour les partis communistes, en Amérique du Sud et dans le monde, de développer une stratégie révolutionnaire propre et de lutte indépendante de la classe ouvrière. C'était le programme du Parti Communiste Brésilien au premier tour qui a ensuite rejoint la campagne de l'ancien syndicaliste Lula (qui n'a jamais été révolutionnaire) pour battre Bolsonaro.
La tactique du "moindre mal" fait beaucoup de dégâts dans la classe ouvrière.
On peut observer les limites de classe du progressisme quand on analyse froidement les faits. La victoire de Lula est courte et pourtant il a élargi ses alliances avec la droite néolibérale et conservatrice qui avait voté le Coup d'état institutionnel contre Dilma. Son vice-président Alckmin est celui contre qui il s'était présenté en 2006. Il n'a pas la majorité au parlement et sa campagne a été principalement basée sur la nostalgie et sur un antifascisme sans réel contenu de classe, omettant la nature réelle du fascisme, pur produit du capitalisme et en est son expression la plus barbare. Par ailleurs, par rapport aux premiers mandats de Lula, la crise du capitalisme s'est intensifiée et il ne pourra pas développer des programmes aussi ambitieux qui ont déjà été le fruit de la collaboration de classes et qui le seront encore davantage. Il n'y a pas de capitalisme à visage humain. Il y a en outre de fortes chances pour que son mandat renforce au final l’extrême-droite qui a infiltré l'appareil d'État. Par ailleurs, les luttes vont certainement être freinées par son rôle influent sur le plus grand syndicat, la CUT, liée au PT et corrompue.
Face à la menace fasciste par Bolsonaro et ses partisans qui n'acceptent pas les résultats et face à l'illusion social-démocrate que représente Lula, la classe ouvrière et les couches populaires du Brésil ne pourront compter que sur leurs luttes et le renforcement des communistes avec une stratégie révolutionnaire claire classe contre classe.
Le bureau politique du Parti Communiste de Belgique
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